Les répercussions de la pandémie de COVID-19 sur la vie quotidienne ont déjà été extraordinaires. De l’isolement et la distanciation physique à la fermeture massive de magasins et de lieux de travail non essentiels, ainsi que d’écoles et de garderies, notre vie quotidienne a changé de façon spectaculaire. Bien que de nombreux changements soient nécessaires, les répercussions touchent les personnes à divers niveaux, et touchent la vie des femmes en particulier. De nombreuses expériences sous-jacentes d’inégalité auxquelles les femmes sont confrontées sont amplifiées en temps de crise. La seule façon d’atténuer véritablement les effets disproportionnés sur les femmes est de veiller à ce que l’analyse comparative entre les sexes (ACS+) ou l’analyse féministe et intersectionnelle soit un élément clé de toutes les initiatives, non seulement pendant cette pandémie, mais aussi au moment où nous nous en remettons.
La violence contre les femmes
L’auto-isolement peut laisser les femmes dans des situations dangereuses et les exposer à un risque accru de violence domestique.
Selon un rapport sur la violence contre les femmes, nous savons que « le plus grand risque d’homicide pour les femmes se trouve dans leur propre maison ».
Le gouvernement fédéral a annoncé que 50 millions de dollars seront dédiés aux refuges pour femmes, une augmentation de financement importante et nécessaire. Avant la pandémie, il fallait déjà des fonds pour lutter contre la violence contre les femmes et construire des refuges pour femmes. Lorsque la pandémie se calmera, il faudra encore financer durablement les services de lutte contre la violence.
Les femmes et le travail
Les femmes sont en première ligne de COVID-19 car elles dominent le domaine des soins de santé et le secteur de la vente au détail. Ces femmes sont incapables de s’isoler. Selon un rapport de 2016, les femmes sont surreprésentées dans le travail à temps partiel, au salaire minimum et précaire. Les femmes immigrantes, migrantes et racialisées sont encore plus susceptibles de vivre avec un faible revenu, et constituent un pourcentage important de celles qui travaillent à temps partiel ou dans d’autres situations précaires. L’écart salarial entre les sexes persiste pour les femmes en général, mais pour les femmes racialisées et plus particulièrement les femmes noires et les femmes autochtones, ces écarts sont encore plus importants.
Le gouvernement a annoncé le versement de 2 000 dollars par mois dans le cadre de la nouvelle Prestation canadienne d’urgence. Les versements arriveront cette semaine mais, après quatre mois, les prestations régulières d’assurance-emploi la remplaceront à hauteur de 55 % du salaire hebdomadaire. Cette situation ne durera pas longtemps pour les travailleuses précaires à faible salaire et l’insuffisance du soutien financier oblige de nombreuses femmes à travailler malgré une santé immunodéprimée, l’anxiété ou d’autres facteurs de stress.
Le gouvernement fédéral a également annoncé une augmentation de l’Allocation canadienne pour enfants et certaines provinces mettent en place des services de garde d’enfants gratuits pour les travailleuses et travailleurs essentiel.le.s. Il s’agit là de mesures positives et nécessaires, mais des lacunes subsistent.
En Ontario, par exemple, des services de garde d’enfants pour les travailleuses et travailleurs essentiel.le.s sont mis en place cette semaine pour les enfants de moins de 5 ans, mais qu’en est-il des enfants de plus de 5 ans ? Avec la fermeture des écoles, si les travailleuses et travailleurs essentiel.le.s ont des enfants d’âge scolaire, elles et ils auront également besoin de services de garde. C’est une période où les gouvernements doivent vraiment considérer et comprendre les divers besoins des femmes et de nos familles.
Les femmes, la garde d’enfants et les travaux ménagers
Les femmes restent les principales pourvoyeuses de tâches ménagères et de soins non rémunérés, même lorsqu’elles exercent un travail rémunéré en dehors du foyer. Cette situation est sans doute amplifiée dans la situation actuelle d’isolement et avec la fermeture des garderies et des écoles.
Aujourd’hui, pour certaines femmes, le travail s’est déplacé vers la maison et elles doivent jongler deux emplois, la garde des enfants et leur travail rémunéré tout au long de la journée. Certaines familles peuvent bénéficier de l’aide d’une conjointe ou d’un conjoint, mais pour beaucoup d’entre elles, en particulier les mères célibataires, elles doivent désormais jongler la garde des enfants et l’enseignement à domicile en plus de leur travail rémunéré, ce qui, pour les femmes à faible revenu, est souvent très difficile.
Des conditions de vie surpeuplées, exiguës et médiocres
Au Canada, de nombreuses femmes et leurs familles sont obligées de vivre dans des conditions de surpopulation et d’exiguïté parce qu’il n’est pas possible ou pas abordable pour elles d’accéder un logement adéquat. C’est un problème qui touche particulièrement les communautés autochtones, où près d’un cinquième des Autochtones vivent dans des conditions de surpopulation. L’auto-isolement est un défi sérieux si une ou un membre de la famille tombe malade ou est potentiellement exposé à COVID-19 alors qu’il y a peu ou pas d’espace dans un ménage pour s’auto-isoler. Les femmes autochtones et leurs communautés sont confrontées à des défis supplémentaires pendant la pandémie en raison des crises de l’eau actuelles. Le respect des consignes de santé publique concernant le lavage des mains ajoute encore plus de pression sur les communautés dont l’approvisionnement en eau est très limité. Les risques encourus par les femmes et leurs communautés dans les zones rurales et isolées sont encore exacerbés par le manque d’infrastructures de soins de santé.
Pour aller de l’avant
Toute planification économique future doit prendre en considération les inégalités existantes chez les femmes et éviter les mesures d’austérité. Les gouvernements ont privatisé et réduit les services publics pour économiser de l’argent et réduire les déficits pendant et après les périodes de « bouleversement économique ». Mais ces mesures conduisent à de faibles salaires et augmentent l’emploi précaire – ce qui a un impact important sur les femmes en général, mais plus encore sur les femmes immigrantes et migrantes, les femmes racialisées, les mères célibataires, les femmes autochtones et les femmes handicapées – des femmes qui sont déjà marginalisées dans ce système économique néo-libéral, patriarcal et raciste.
Cette pandémie nous a montré comment nous comptons collectivement sur les filets de sécurité sociale publics en temps de crise. Les mesures de sécurité publique mises en place par les gouvernements pour faire face à la pandémie au Canada montrent à quel point les services publics et gouvernementaux sont et seront importants pour des plans de relance économique équitables.
Des services publics universels comme les garderies et les soins de santé, des filets de sécurité sociale plus solides comme l’assurance-emploi et les congés de maladie payés, ainsi que le financement d’organisations de femmes fournissant des services de première ligne sont non seulement nécessaires en temps de crise, mais sont également essentiels à l’égalité et à l’avancement des femmes au Canada au quotidien.